Commentaire de la Paracha VAYISHLAH
Texte: Béréchit 32:4-36:43
L’épisode du combat nocturne de Jacob, qui lui vaut le nom d’Israël – «
celui qui lutte avec D.ieu et avec les hommes et l’emporte » (Gen. 32:29) – demeure l’un des plus énigmatiques de la Torah. À l’approche d’Ésaü et de ses quatre cents hommes, Jacob, «
très effrayé et angoissé » (Gen. 32:8), multiplie les préparatifs : cadeau, prière, stratégie. Mais la peur persiste, et c’est seul, dans la nuit, qu’il affronte un être mystérieux, décrit tour à tour comme un homme, un ange, ou même, par Jacob lui-même : «
J’ai vu D.ieu face à face » (Gen. 32:31).
Selon Rashbam, le petit fils de Rachi, l’épisode du combat s’inscrit dans un schéma narratif récurrent de la Bible, où D.ieu confronte quelqu’un qui cherche à éviter sa mission. Il le rapproche de Jonas, qui tente de fuir vers Tarsis jusqu’à ce que la tempête et le grand poisson lui rappellent que la fuite est impossible, et de Moïse, arrêté par D.ieu sur la route d’Égypte alors qu’il hésite encore malgré l’appel du Buisson ardent. Jacob, de même, malgré les promesses divines, cherche à éviter la rencontre avec Ésaü. Ainsi, trois géants spirituels — Jacob, Moïse et Jonas — sont, selon Rashbam, non pas des peureux, mais des hommes terrifiés par leur mission. Leur peur n’est pas physique ; elle est existentielle : «
Qui suis-je ? » demande Moïse. Jacob lui-même confesse : «
Je suis indigne de toutes les bontés que Tu m’as faites» (Gen. 32:11). Ce qu’ils redoutent, ce n’est pas l’ennemi, mais l’impression d’être trop petits pour une tâche trop grande. Le véritable courage n’est donc pas l’absence de peur, mais sa maîtrise.
Comme l’écrit Marianne Williamson: «
Notre peur la plus profonde n’est pas d’être incapables. Notre peur la plus profonde est d’être puissants au-delà de ce que nous osons même imaginer. Ce qui nous effraie le plus, ce n’est pas notre obscurité, mais notre lumière. Nous nous demandons : ‘Qui suis-je pour être brillant, magnifique, talentueux, admirable ?’ Mais en réalité, qui êtes-vous pour ne pas l’être ? Vous êtes un enfant de D.ieu. Vous rapetisser ne rend service à personne. Il n’y a rien de spirituel à se diminuer pour ne pas inquiéter ceux qui vous entourent »
C’est pourquoi D.ieu «
lutte » avec Jacob, Moïse et Jonas : pour les empêcher de fuir la vocation qui leur est confiée. De même, chacun de nous peut être tenté de «
jouer petit ». Mais la mission juive – être une lumière, un témoin, un défi vivant aux idoles de chaque époque – exige que nous affrontions cette peur. Nous ne devenons grands qu’en assumant la tâche qui nous dépasse. Et si parfois nous tremblons, rappelons-nous : ressentir la peur est normal ; lui céder ne l’est pas. D.ieu a foi en nous tous !
source:d’après Rabbi Sacks z'L